Introduction
L’Agence Nationale de l’Assistance Juridique et Judiciaire en collaboration avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les refugiés a organisé du 30 septembre au 1er octobre 2025 à Tahoua un atelier de formation de 18 cadres magistrats, greffiers et animateurs des BAJJ des cours d’appel du Niger sur la prise en charge juridique et judiciaire et le partage du plan d’action stratégique de l’ANAJJ.
L’objectif général visé à travers cet atelier est le renforcement des capacités des magistrats et greffiers des cours d’appel du Niger pour une meilleure prise en charge des réfugiés et demandeurs d’asile.
Cette activité a enregistré la participation de plusieurs personnalités administratives et civiles notamment la Directrice Générale de l’ANAJJ Mme Rabiou Assétou Traoré, le Chef de base du HCR M. Touré Malick, le Chef de bureau du HCR M. Diallo Mamadou Saliou, le Directeur Pays du CIAUD Dr Monemou Antoine, le Procureur Général de la Cour d’appel de Zinder M. KOINI Ali, le Président du TGI de Tahoua M. Issoufou Alkassoum, des magistrats et greffiers des cours d’appel de Tahoua, Niamey et Zinder ainsi que des animateurs des BAJJ.
Cérémonie d’ouverture de l’atelier
La cérémonie d’ouverture de cet atelier a été marquée le mot de bienvenue du Directeur Pays du CIAUD Dr Monemou Antoine, le discours du Chef de base du HCR M. Touré Malick et le discours d’ouverture prononcé par la Directrice Générale de l’ANAJJ.
Dr Monemou Antoine a, dans son mot de bienvenue, d’abord souhaité la bienvenue aux participants avant de saluer la qualité du partenariat qui existe entre son organisation, le HCR et l’ANAJJ. Il a fini par souhaiter à tous et à toutes une excellente formation.
Le Chef de base du HCR a commencé son discours par remercier l’ANAJJ pour l’organisation de cette activité et les autorités judiciaires des régions de Niamey, Zinder et Tahoua pour leur engagement constant en faveur de la justice accessible, équitable et inclusive.
Il a affirmé que : « Le Niger, en tant que pays d’accueil, joue un rôle central dans la protection des personnes déplacées de force dans la région du Sahel et au-delà. Le respect des droits fondamentaux des réfugiés et demandeurs d’asile passe nécessairement par un système judiciaire fort, impartial et capable de garantir l’accès à une assistance juridique et judiciaire de qualité ».
Il a aussi déclaré que le HCR reste résolument engagé aux côtés des institutions nationales pour soutenir le développement de capacités durables au sein du système judiciaire nigérien, dans le plein respect de la souveraineté du pays et en appui aux efforts humanitaires et de développement déjà en cours.
« Nous espérons que les échanges de ces deux journées permettront non seulement de consolider vos acquis professionnels mais aussi de bâtir un réseau judiciaire sensible aux enjeux de la protection des réfugiés » a-t-il conclu
Prenant la parole la Directrice Générale de l’ANAJJ Mme Rabiou Assétou Traoré a, de prime abord, souhaité la chaleureuse bienvenue aux participants et les a remerciés d’avoir répondu présents. Elle a ensuite rappelé le contexte de la création de l’ANAJJ et sa mission qui est de rendre disponible gratuitement l’assistance juridique à tous et l’assistance judiciaire au profit de certaines catégories de personnes. Elle n’a pas manqué d’adresser ses vifs remerciements à l’endroit du HCR et du CIAUD dont l’appui a permis l’organisation de la présente activité.
« Je fonde l’espoir qu’au sortir de cette formation vous soyez suffisamment édifiés sur les missions de l’ANAJJ et du HCR afin que la prise en charge juridique et judiciaire des réfugiés soit effective au niveau des Cours d’Appel. » a-t- elle affirmé.
Elle a fini par souhaiter plein succès aux travaux et a déclaré ouverts les travaux de l’atelier.
- Les travaux de la première journée
Les travaux ont débuté par les présentations du CIAUD, du HCR et de l’ANAJJ respectivement par Dr Antoine, M. Ibrahim et M. DAMBADJI. Il ressort de toutes ces communications les raisons ayant conduit à la création de ces institutions, les statuts, les missions et leurs rôles dans la prise en charge juridique et judiciaire.
Le 1er et 2ème modules de cette première journée des travaux ont été animés par la Directrice Générale de l’ANAJJ Mme Rabiou Assétou Traoré. Ces modules ont porté sur l’assistance juridique et judiciaire.
En ce qui concerne le 1er module intitulé assistance juridique, il ressort les points suivants :
- Définition
- Conditions d’accès et domaine d’application
- Mise en œuvre de l’assistance Juridique
- Qualifications et compétences
- Modalités de collaboration et de participation
- Rupture de la collaboration
Quant au 2ème module sur l’assistance judiciaire, les points suivants ont été développés :
- L’assistance judiciaire ;
- L’étendue de l’assistance judiciaire ;
- Les frais couverts par l’assistance judiciaire ;
- Les limites de l’assistance judiciaire ;
- Les bénéficiaires de l’assistance judiciaire ;
- L’assistance judiciaire sous condition d’indigence ;
- L’assistance judiciaire d’office.
A la fin de chacune des présentations, des questions ont été posées par les participants auxquelles des réponses satisfaisantes ont été apportées. Ces questions ont porté sur l’assistance judiciaire au niveau des juges chargés, la méconnaissance des activités de l’ANAJJ par certains acteurs, l’assistance juridique au niveau des maisons d’arrêt, l’assistance judiciaire par les avocats et les DCO….
Le 3ème module de la journée relative au plan stratégique de l’ANAJJ a été présenté par le DRFM de l’ANAJJ M. Daouda IBRAHIMA DAMBADJI. La présentation s’est articulée autour de :
- Création et statuts de l’ANAJJ
- Analyse diagnostique de l’organisation
- Orientations stratégiques
- Plan d’action stratégique budgétisé
- Financement
- Analyse et mitigation des risques
- Analyse des facteurs de succès
- dispositif de mise en œuvre et de suivi-évaluation.
Au terme de cette présentation, les participants ont posé des questions et formulés des recommandations. Les questions étaient relative la stratégie de levé de fonds pour le financement du plan stratégiques, les mesures d’atténuations des risques pouvant affecter la réalisation des objectifs, la défense des dossiers par les avocats lors des sessions de chambre criminelle…
- Les travaux de la deuxième journée
La deuxième journée a débuté par la restitution, l’amendement et l’adoption du rapport de la première journée. Elle a été suivie par la présentation du module sur le monitoring de protection par Monsieur Moctar Poutia du CIAUD. Ce dernier a commencé par définir les mouvements mixtes. Selon lui, les mouvements mixtes désignent des flux de personnes qui voyagent ensemble généralement de manière irrégulière, en empruntant des itinéraires et des moyens de transport identiques mais pour des raisons différentes.
Pour le communicateur, les objectifs des programmes de monitoring sont notamment de :
- protéger les droits des réfugiés, des demandeurs d’asile dans les mouvements mixtes à travers l’accès à l’asile au Niger (le respect des principes de la protection internationale) ;
- identifier les routes migratoires, connaitre les services de protection le long des routes et faciliter l’accès aux services de protection.
Selon le formateur le monitoring repose sur dix (10) points du plan d’action à savoir :
- Coopération entre partenaires clés ;
- Collecte des données et analyse ;
- Système d’accès permettant la protection ;
- Mesures relatives à l’accueil ;
- Définition des profits et orientation ;
- Processus et procédures différenciés (solidarité humanitaire) ;
- Solutions pour les réfugiés ;
- Gérer les mouvements secondaires ;
- Mesures relatives au retour pour les non refugiés aux alternatives pour les migrants (déboutés) ;
- Stratégie d’information (sensibiliser les migrants y compris les réfugiés sur les informations leur permettant de prendre des décisions importantes pour leur vie.
S’agissant de la couverture du programme à l’échelle du pays, il faut retenir qu’ils ont une couverture nationale. On peut citer entre autres Tillabéri (Abala, Ayorou, Bankilaré) Dosso, Konni, Diffa, au nord du pays, axe Algérie, axe Libye, axe Mali
Les principales activités que CIAUD mène dans le cadre des mouvements mixtes sont :
- Renforcer les capacités des autorités et des FDS intervenants dans la gestion des cas de personnes en besoin de protection internationale ;
- Améliorer les capacités des centres d’accueil des personnes en mouvements mixtes ;
- Conduire des missions d’évaluation des conditions d’accès des POCS aux frontières ;
- ERP (Evaluation Rapide des besoins de Protection) des besoins de protection (autorité/HCR/CIAUD) ;
- Assistance aux personnes extrêmement vulnérables se trouvant parmi les demandeurs d’asile et les réfugiés en mouvement secondaire.
En ce qui concerne le mécanisme de référencement, les acteurs concernés sont notamment les autorités, le DECMR, la CNE, le MAH, les FDS, l’ANLTP, le HCR et les autres agences sœurs, les organisations humanitaires (ONG Internationales/Nationales, associations…), les fonctionnaires et les leaders communautaires.
A l’issu de cette présentation des questions d’éclaircissement ont été posées par certains participants à savoir notamment est ce que le HCR appui l’Agence Nationale de Lutte contre la Traite des Personnes via le centre de Zinder ? est-ce que c’est la vocation de l’ANAJJ de participer dans la détermination du statut de réfugiés ? A ces questions des réponses satisfaisantes ont été données par le formateur.
Le deuxième module portait sur le dispositif national de prise en charge des réfugiés. Il a été présenté par Monsieur Issiakou Ayouba Directeur régional de l’état civil de Tahoua. Ce dernier a commencé par évoquer le cadre juridique de la protection.
Ainsi, il a d’abord évoqué le cadre juridique international. Il s’agit de :
- la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;
- le protocole relatif au statut des réfugiés du 31 janvier 1967.
Selon la convention de Genève de 1951, est concernée, toute personne qui se trouve hors de son pays d’origine et ne peut y retourner parce qu’elle craint avec raison d’être persécutée du fait de sa race, religion, nationalité, appartenance à un groupe social particulier ou opinion politique. Mais la convention apporte une limitation aux personnes qui ont quitté leurs pays suite aux « évènements survenus avant le 1er janvier 1951 en Europe ».
Le protocole de 1967 enlève ces limitations temporelles et géographiques.
Le cadre juridique régional est constitué de la convention de l’OUA régissant les aspects propres aux problèmes des refugies en Afrique adoptée le 10 septembre 1969 et entrée en vigueur le 20 janvier 1974. La convention de l’OUA mentionne toute personne qui se trouve hors de son pays d’origine et ne peut y retourner parce que sa vie, son intégrité physique ou sa liberté sont gravement menacées par une violence généralisée ou des évènements troublants gravement l’ordre public.
Quant au cadre juridique national, le communicateur a indiqué que le Niger dispose d’un cadre juridique national de protection des réfugiés notamment :
- la loi n°97-016 du 20 juin 1997 relative au statut de réfugiés ;
- le décret n°98-382/PRN/MI/AT du 24 décembre 1998 portant application de la loi 97-016 et créant la commission nationale d’éligibilité (CNE) ;
- l’arrêté n° 142/MI/SP/D/AR/DEC-R du 16 Mars 2012 sur la reconnaissance de statut prima facie pour les réfugiés Maliens ;
- l’arrêté n° 571/MISP/D/ACR/SG/DGECM-R du 09 juillet 2020 accordant le bénéfice du statut Prima facie aux ressortissants nigérians victimes de l’insécurité généralisée dans certains Etats fédérés.
Les autres sources normatives sont le guide des principes et critères pour la DSR, les principes directeurs du HCR, les notes d’orientations du HCR, les conclusions de l’ExCOM et la jurisprudence asilaire.
Le présentateur a par la suite fait cas du cadre institutionnel avec notamment la procédure de Détermination du statut de réfugié (DSR) individuelle dont l’organe administratif est le DGEC-MR (secrétariat permanent) et les organes délibérants qui sont la CNE (1ère instance), le Comité de Recours Gracieux/CRG (appel) et la Cour d’Etat/CE (recours).
Pour la procédure de DSR collective, il s’agit de l’équipe de screening (CNE, HCR) instance unique par une équipe de screening mixte (DGEC-R et UNHCR) et décision définitive.
Les principes sont :
- Principe de subsidiarité de la protection internationale ;
- Principe de non-discrimination (art. 3 Convention de 1951).
- Principe de l’unité familiale ;
- Confidentialité ;
- Bénéfice du doute ;
- Alternative de protection interne ;
- Droit au recours, à un interprète, à l’assistance juridique.
A la fin de la présentation, des questions ont été posées au communicateur, à savoir, s’il faut faire le recours gracieux devant le ministre de l’intérieur, devant qui faudrait-il faire le recours hiérarchique ? la réponse apportée à cette question est que la procédure n’est pas bien spécifiée. La seconde question était de savoir quel est le rôle du HCR dans la commission d’éligibilité ? la réponse est que le HCR joue un rôle d’éclaireur.
Le dernier module est relatif à la protection des droits des réfugiés. Ce module a été présenté par Monsieur Ibrahim Assane Djoumou du HCR.
Après un rappel historique, il a abordé le cadre juridique de la protection. Ainsi, il a d’abord parlé du cadre juridique général composé des instruments juridiques internationaux, régionaux et nationaux. Il a ensuite évoqué le cadre juridique spécifique, constitué de :
- la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et le protocole relatif au statut des réfugiés du 31 janvier 1967 ;
- la convention de l’OUA régissant les aspects propres aux problèmes des refugies en Afrique adoptée le 10 septembre 1969 et entrée en vigueur le 20 janvier 1974.
Enfin, le Niger dispose d’un cadre juridique national de protection des réfugiés.
Le formateur s’est par la suite appesanti sur le contenu de la protection internationale.
La nature de la protection internationale est qu’elle est un Substitut à la protection nationale.
Son contenu c’est toutes les activités visant à assurer que les personnes bénéficient du respect intégral de leurs droits, comme le prévoient la lettre et l’esprit des textes de droit (par ex. droits de l’Homme, droit humanitaire, droit des réfugiés).
Quant au but de la protection internationale c’est d’aider les réfugiés, à reconstruire durablement leur existence dans des délais raisonnables.
S’agissant de la procédure de la protection internationale, le communicateur a souligné qu’elle commence par l’admission dans un pays d’asile (respect du principe de non refoulement), l’accès à des procédures d’asile justes et efficaces. La procédure de la protection continue avec le respect du principe de non refoulement et le respect des autres droits fondamentaux sans discrimination. Elle s’achève lorsqu’une solution durable a été trouvée. Les trois (3) solutions durables sont :
- rapatriement volontaire ;
- intégration locale ;
- réinstallation.
Parlant des acteurs de la protection internationale des réfugiés, le présentateur a précisé que les principaux responsables de la protection internationale sont :
- les gouvernements qui sont responsables au premier chef de la protection des réfugiés se trouvant sur leur territoire ;
- L’UNHCR qui a aussi reçu mandat de l’assemblée générale des Nations Unies d’assurer la protection internationale des réfugiés et rechercher des solutions permanentes en partenariat avec les autorités.
Les autres partenaires sont la communauté internationale, les organisations internationales, les organisations non gouvernementales et les populations hôtes.
Les personnes relevant du mandat ou de la compétence du HCR sont :
- demandeurs d’asile : personne qui recherche l’asile mais dont la demande d’asile n’a pas encore fait l’objet d’une décision définitive ;
- réfugiés : Personne qui ne peut pas retourner dans son pays d’origine ou le pays dans lequel elle a sa résidence habituelle, parce qu’elle craint avec raison d’être persécutée du fait de l’un des motifs définis dans la convention de 1951 ou bien que sa vie, son intégrité physique ou sa liberté sont gravement menacées par une violence généralisée ou des événements troublant gravement l’ordre public
- personnes déplacées internes : Personne ou groupe de personnes forcées ou contraintes ou obligées de fuir son foyer en raison notamment d’un conflit armé, de situations de violence généralisée, de violation des droits de l’homme ou de catastrophes naturelles ou provoquées par l’homme mais qui n’a pas franchi une frontière internationale
- rapatriés : Personne qui était un réfugié dans un pays d’asile et qui a volontairement regagné son pays d’origine, de manière spontanée ou organisée ;
- personnes apatrides : personne qu’aucun Etat ne reconnait comme son ressortissant par application de sa législation ;
- retournés : personne qui était un déplacé à l’intérieur de son pays et qui a volontairement regagné son lieu de résidence, de manière spontanée ou organisée.
A l’issu de cette présentation, certains participants ont posé des questions relatives aux causes réelles de l’apatridie dans le monde et la nuance entre asile et asile politique. A toutes ces questions des réponses satisfaisantes ont été apportées par le communicateur.
Des travaux de groupes ont eu lieu en vue d’évaluer le niveau de compréhension des participants. L’exercice a consisté à répondre à des questions se rapportant aux différents modules présentés pendant les deux jours de l’atelier et à formuler des recommandations. Après, il a été procédé à la restitution des résultats de ces travaux.
Ainsi à l’issu des travaux de l’atelier, les participants ont formulé les recommandations suivantes :
- donner les moyens adéquats à l’ANAJJ pour la bonne marche de sa mission ;
- faire des séances de sensibilisation pour faire connaitre l’ANAJJ ;
- étendre les BAJJ dans les Tribunaux d’Instance ;
- faire connaitre davantage les BAJJ ;
- assurer la formation continue des acteurs pour une meilleure mise à niveau et prise en charge des réfugiés ;
- assurer la formation des DCO.
L’atelier s’est achevé avec le mot de remerciement adressé aux participants par la DG de l’ANAJJ qui a souhaité à chacun un bon retour dans son foyer.